Le matin s’éveille, ouvre lentement ses paupières. Les carreaux de la fenêtre découpent la lumière, et les rideaux la froissent. La fenêtre regarde le corps allongé tout près, détaille les cheveux dispersés sur l’oreiller, la peau du ventre qui gonfle et redescend. La lumière avance doucement, à tâtons, effleure la peau lisse, chatouille les secondes, glisse des hanches au creux du ventre.
Les yeux ensommeillés, l’index tendu, j’observe, moi aussi, ce corps, le mien, essaie de lire les lignes de celui-ci. J’étudie sa forme, arpente ses saillies, ses creux. Je cueille les confidences murmurées à la surface de mon épiderme, soufflées entre mes côtes, qui ricochent sur mes vertèbres. Les mots doux qu’on a laissés trainer s’incrustent dans mes pores. Calfeutrant mes vides, mes manques, mon doigt trace le contour des retailles découpées en vitesse. Mon corps-patchwork, mille coutures et agrafes qui rapprochent les bords de la faille, ma plaie ouverte, ma chair à nu, un terrain accidenté qui me donne envie de rebrousser chemin, de me retourner dans ma peau.
Main ouverte, mes doigts-sentinelles s’élancent à la recherche de vertiges. Du bout de l’index, j’apprivoise mes censures. Au toucher, mes interdits s’érodent, se détachent comme autant de peaux mortes, friables, qui roulent et tombent entre les draps.
Ma tête se cale dans l’oreiller, s’enfonce jusqu’aux oreilles jusqu’à n’entendre plus que mon souffle. Je ferme les yeux. Je trace dans ma mémoire les lignes du relief, établis une vaste topographie de mon corps pour savoir comment débusquer le désir au détour d’une géographie intime inexplorée. Mes doigts arpentent chacune de mes côtes, parcourent la plaine de mon ventre jusqu’à l’orée de mon nombril, cartographient mes grains de beauté, les relient en une grande constellation, puis descendent vers mes hanches, caressent les formes pleines de mes cuisses douces, tendues, fébriles. Le désir rampe lentement sous ma peau. Ma respiration effleure la surface. La buée perle sur la fenêtre, et les contours de la lumière s’adoucissent. Je mesure l’amplitude des vertiges qui parcourent mon entrejambe. Mon pouce remonte doucement, frôle mon sexe supplicié, mon souffle se brise contre mon sternum.
Mon corps tremble d’orgasme. L’air se crispe et les spasmes résonnent dans mon ventre. Les phalanges de mes orteils se convulsent, ma colonne se raidit d’un coup, mes joues pétillent. Mes cordes vocales crépitent, des sons éclatent dans ma bouche, le trop-plein s’échappe de mes lèvres.
Le plafond de la chambre explose en mille confettis. Là-haut, le bleu d’infini pour me remplir les yeux et y renaitre.
Originaire du Centre-du-Québec, Alysée Lavallée-Imhof y a passé toute son enfance et son adolescence avant de quitter son village natal pour poursuivre ses études. D’abord intéressée par l’écriture journalistique, elle s’est depuis laissé tenter par le plaisir de l’écriture pour soi qui lui permet, à temps perdu, de faire vivre sur papier les émotions qui l’habitent.