tu me demandes pourquoi je n’ai pas de visage
si je n’ai pas de visage c’est que
si je n’ai plus de visage c’est parce que
les fourmis l’ont découpé
l’ont donné en offrande
aux oiseaux
tu veux savoir quels oiseaux
je pointe le sol
tu t’approches et tu vois
ils sont quatre
puis cinq
ils picorent quelque chose sous la neige
un fruit mûr fait de plâtre
un fruit qui se forme au gré de leurs envies
ils ricanent
le fruit c’est mon poumon droit
tu voulais savoir
maintenant approche-toi
écoute-les chuchoter
becs serrés
de toutes petites langues
frôlant ma sueur combustible
ils me désirent calcinée
figée
pour mieux s’amuser
la langue pleine de plâtre
le ventre rempli d’écorce
menaçant d’éclater sous les cris
car ils se moquent
ils se moquent
à en fissurer mes tympans
est-ce ta voix qui se mêle à la leur?
Mathilde Loranger étudie la littérature comparée à l'Université de Montréal. Elle répond donc très (trop?) souvent à la question "Alors, vous comparez quoi?", ce à quoi elle offre toujours une réponse différente.